SOUS L’ARTILLERIE DES MOTEURS

« Le temps se comporte différemment ici ». Nous l’avions déjà entendu celle-là et nous l’avons entendu à nouveau lors du tournage de Sous l’artillerie des moteurs. Notre perception du temps est façonnée par de nombreux facteurs, sociaux et culturels, ce n’est un secret pour personne. Les cultures méditerranéennes ont tendance à avoir un rythme de vie plus lent, plus terre-à-terre par rapport à notre quotidien nord-américain plus rapide. Nous le savions aussi, mais les Chypriotes turcs vivant à Chypre du Nord, un état « illégal » pratiquement coupé du monde extérieur et qui n’est accessible que par quelques routes jonchées de points de contrôle, vivent vraiment dans un monde à part. Ça. Nous ne l’avons compris que lorsque nous y avons mis les pieds pour la première fois.

La réalisation de ce film a initialement été alimentée par notre désir d’explorer le paysage chypriote et comment un conflit vieux de 50 ans pouvait avoir un impact sur ce paysage; notamment en transformant des portions de l’île en véritable capsules temporelles, figées depuis 1974. Rapidement cependant, lors du tournage, nous sommes tombés sur un autre élément inattendu qui nous rappelait constamment que ce conflit n’était en effet pas terminé : une forte présence militarisée partout où nous allions. Hélicoptères et jets qui défilent dans le ciel, camions militaires, cris de guerre et séance d’entraînements, qui allaient jusqu’à parfois interrompre notre horaire de tournage, à un tel point que nous avons décidé de les intégrer à notre conception sonore, et d’en faire le centre de notre histoire.

Le résultat est un portrait subtil et tendre d’une région et de ses habitants où passé et présent se confondent, comme si le soleil sous lequel la Turquie et la Grèce se sont battu il y a 50 ans ne s’était toujours pas couché à l’horizon.